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Le blog est un espace d'analyse des grands thèmes relatifs à l'actualité économique et sociale.
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Blog Economie
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15.02.2008
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SORTIE DU FCFA: UNE FAUSSE PISTE A L'HEURE ACTUELLE

SORTIE DU FCFA: UNE FAUSSE PISTE A L'HEURE ACTUELLE

Publié le 07/03/2012 à 18:12 par analysis


Historique du franc CFA

Le FCFA naît officiellement le 26 décembre 1945, jour où la France ratifie les accords de Brettons Woods. Il signifie alors « franc des colonies françaises d'Afrique» et est émis par la Caisse Centrale de la France d'Outre-mer. Le but est d’harmoniser le système monétaire des colonies et de réaffirmer l’autorité monétaire dans les territoires que la guerre avait isolés et qui, de ce fait, avaient créé des monnaies locales appuyées sur des devises autres que le franc français ou fonctionnaient avec la monnaie des occupants.
Après leur indépendance, la plupart des anciennes colonies françaises choisissent de rester dans une zone Franc actualisée, répartie en trois ensembles géographiques disposant chacun d‘une banque centrale :
- la BCEAO en Afrique de l’Ouest où le sigle CFA signifie « Communauté financière africaine » et qui comprend le Bénin, le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo,
- la BEAC en Afrique centrale où le sigle CFA signifie « Coopération financière de l'Afrique centrale » et qui comprend le Cameroun, le Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée-équatoriale et le Tchad en Afrique centrale
-la BCC réduite aux Comores.
Le franc CFA jouit de la « libre convertibilité » qui rend l'échange constamment possible entre toutes les monnaies. La « libre convertibilité » du FCFA le transforme de fait en une monnaie française et imprimer du franc CFA équivaut à créer de l’Euro. D’où l’étroite surveillance de la Banque de France sur les banques centrales africaines dont elle centralise les réserves de change au Trésor français. Chaque Banque Centrale dispose ainsi d’un compte en devises appelé « compte d’opérations » susceptible d’être rémunéré quand il est créditeur et offrant en principe, la possibilité d’un découvert illimité. Dans les faits, des mesures préventives empêchent que les comptes d’opérations ne deviennent durablement débiteurs.

Critiques du FCFA

Mouton noir des économistes francophones, le FCFA concentre un grand nombre de critiques. Il ne permet pas de mener une politique monétaire et son arrimage à l’Euro, monnaie peu flexible et surévaluée, obère considérablement la compétitivité de la Zone dont le bilan économique est nettement moins reluisant que dans les autres pays africains.
Mais plus fondamentalement, cet étrange regroupement, unique dans le monde reprend les anciens rapports coloniaux sous de nouveaux habits. Le mystérieux mécanisme du compte d’opérations n’est qu’une actualisation des vieilles pratiques des empires coloniaux qui empêchaient la conservation de l'or monétaire et des devises dans les colonies. Toutes les devises acquises par les pays de la zone sont concentrées en France qui les rachète subrepticement. Ainsi, lorsque le Cameroun vend en dollars ou en yens, la France ne les conserve pas dans un coffre-fort avec mention « Attention ! Devises du Cameroun, n’y touchez pas ! ». Au contraire elle s‘en approprie et lui remet en échange sa propre monnaie, exactement comme si le Cameroun était une simple province française. De ce processus, il en découle que le FCFA est un véritable Franc Français ou un véritable Euro, ce qui en justifie le contrôle étroit et le terme « arrimage » qui crée l’impression d‘entités indépendantes, mais liées, alors qu’il s’agit en fait d‘une même entité.
Un tel système présente la faiblesse intrinsèque qu’il ne peut bien fonctionner que si l’économie de la France est saine et capable de garantir les échanges de l’ensemble. Mais si sa situation extérieure se dégrade, ce n’est pas seulement ses devises qui sont perdues, mais les devises de l’ensemble de la zone, exactement comme la faillite d’une banque entraîne la faillite de ses épargnants.
C’est dans ce cadre que s‘inscrit le vent de panique suscité par les récentes difficultés de la France et la perte de son « triple A », vécu comme un prélude à une éventuelle dévaluation du FCFA. Nonobstant les assurances des autorités monétaires qui s’appuient sur la bonne situation extérieure des pays de la zone pour démentir une telle éventualité, les inquiétudes ont justifiées : de fait, si la France avait encore son Franc, les choses seraient simples, car elle le dévaluerait simplement pour restaurer sa compétitivité. Malheureusement son insertion dans la monnaie européenne ne lui donne pas cette possibilité et, si la crise s‘aggrave, elle sera bien obligée de procéder à un profond ajustement structurel et de dévaluer la seule partie flexible de sa zone monétaire, à savoir le Franc CFA.
La dévaluation apparait donc inéluctable si la dépression économique s‘aggrave en France. Cette hypothèse suscite une telle levée de bouclier qu’on pourrait s‘attendre une révolte généralisée des pays de la zone et par suite, à sa déplétion, voire son démantèlement. Dans les faits, une telle inquiétude est naïve et ne tient pas compte des données de faits : d‘un côté, ce sont les pourfendeurs du FCFA qui ont fourni à la dévaluation son justificatif de premier ordre, en criant sur tous les toits qu’à travers son arrimage à l’Euro, le FCFA était surévalué. La France aura beau jeu de présenter une telle dévaluation comme une réponse à leurs récriminations. Mais plus fondamentalement, le niveau économique de ces pays fraîchement sortis d’une longue crise, les habitudes et la fragilité de pouvoirs politiques qui souvent ont besoin de l‘onction française ne leur donnent qu’une faible marge de manœuvre pour une telle émancipation. Il faudrait plutôt s‘attendre à des réformes plus ou moins profondes de la zone qu’à sa destruction.

Intérêt réel du FCFA

Pourtant, un pays courageux pourrait être tenté de sortir de la zone et il faut le dire, des mécanismes de tels départs sont prévus dans les accords. Le Mali en 1962 et Madagascar en 1973 l’ont expérimenté, mais à la suite de graves difficultés, le Mali a réintégré le système en 1984, ce qui a renforcé la cohésion des pays membres et inhibé le désir de nouvelles fugues.
Le problème de fond n’en reste pas moins le même : quel intérêt de rester dans la zone Franc et pourquoi ne pas simplement créer une monnaie nationale souveraine ? Pour y répondre, il faudrait rappeler que la monnaie est avant tout un pouvoir d’achat, une sorte de « reçu anonyme » certifiant que son détenteur dispose d’une richesse acquise par son travail et qu’il peut échanger avec le fruit d’un travail équivalent à l’intérieur d’une communauté déterminée. Cette qualité ne dépend ni de la taille de la Communauté, l’essentiel étant que la mase monétaire soit le reflet exact de la production.
La création d’une monnaie nationale n’est donc qu’un simple acte politique dont la mise en œuvre est relativement simple et facile. Mais toute monnaie nationale court deux principaux risques. Le premier est l’altération de la masse monétaire par la contrefaçon (faux-monnayeurs), la mauvaise gouvernance (usage abusif de la planche à billets) ou le sabotage (injection de la fausse monnaie par une puissance ennemie). Le second est l’altération du pouvoir d’achat, qui ne concerne pas la masse monétaire, mais la stabilité du pouvoir d’achat qui peut se déliter : quand la balance des paiements menace de basculer dans un déficit durable, le pays tente de s’en sortir en baissant son taux de change dans l’espoir que les biens importés se surenchérissant, l’industrie locale gagnera en compétitivité et l’équilibre sera restauré. Le succès n’est cependant acquis que si les écarts technologiques le séparant de ses partenaires ne sont pas trop importants et que l’industrie locale peut en profiter. Faute de quoi la démarche entraîne une spirale de dévaluations qui finit par dégrader totalement la monnaie.
L’intérêt du FCFA s’inscrit essentiellement dans le cadre de ces risques : il retire la gestion de la monnaie des mains des dirigeants africains dont la versatilité et l’irrationalité sont connues et stabilise le pouvoir d‘achat. Mais dans l’absolu, on peut obtenir les mêmes résultats avec une monnaie nationale si les dirigeants sont sérieux et disciplinés.
Quant aux autres arguments en faveur du FCFA, il s‘agit davantage des vues de l’esprit que de réalités fonctionnelles. On évoque ainsi sa crédibilité internationale qui améliorerait les échanges extérieurs, mais le commerce international est un troc, et dans ce troc, chaque pays importe l’équivalent de ce qu’il a exporté. Pas plus, ni moins. Dans ces conditions, les règles de change entre les diverses monnaies ne sont qu’un mode opératoire qui facilite les échanges, mais qui ne modifie pas le fait fondamental qu’on n’achète que l’équivalent de ce qu’on a vendu. L’appartenance à la zone FCFA ne crée pas le pétrole ou les champs de cacao, et par suite, ne joue qu’un rôle marginal dans les capacités productives du pays.
L’existence de la caisse commune que représente le compte d’opérations offre des possibilités de crédits entre les membres, mais ce n’est qu’une virtualité qui dans les faits, n’a pas d’intérêt pratique puisque de mécanismes contraignent chaque pays à vivre de ses réserves. Quant à l’intensification des échanges régionaux que favoriserait le FCFA, les flux commerciaux entre le Nigeria et le Cameroun montrent que le volume des échanges dépend davantage de la puissance des appareils productifs que d’une monnaie commune.
En définitive, les avantages qu’offre le FCFA sont relativement marginaux, en dehors de celui d’être transnational, et relativement indépendant des pouvoirs locaux.

D’un autre côté, une monnaie nationale n’a d‘intérêt que si l’Etat peut l’utiliser pour agir sur deux leviers dont l’un est interne et l’autre extérieur. Sur le plan intérieur, l’Etat peut augmenter les capacités productives du pays en dirigeant sélectivement, par une politique adéquate du crédit, les ressources nationales vers les entreprises. Sur le plan extérieur, il peut doper la compétitivité en dépréciant ou en dévaluant la monnaie. C’est précisément ce que le Professeur Tchuindjang avait vu en 1979, au moment où le Cameroun produisait entièrement ou en partie, les postes radio, les habits, les réfrigérateurs, les vélos ou les chaussures importe aujourd’hui jusqu’aux cure-dents. Il y avait quelque chose à protéger et des possibilités de produire et c’est à ce moment là qu’on aurait pu, avec quelque pertinence, créer une monnaie nationale.
Aujourd’hui les choses ont changé : la brocante européenne et la pacotille chinoise ont annihilé toute possibilité d‘une industrie d’import-substitution et le pays importe tout. L’octroi des crédits à notre secteur productif a très peu de chance de produire un impact sensible sur la production nationale, car la plupart des entreprises sont d’office condamnées par la concurrence particulièrement corrosive que leur mènent les ballots de friperie qui s‘amoncèlent au port de Douala et le bric à broc qui inonde nos hameaux les plus isolés en provenance de Shanghai.
Ce n’est donc pas l’appartenance à la zone franc qui empêche notre décollage, mais la destruction du biotope lui-même, c’est-à-dire l’environnement qui doit permettre à nos entreprises de vivre et de prospérer. Dans ces conditions, une monnaie nationale souveraine ne nous apporterait rien : la souplesse qu’elle est censée donner ne permettant pas aux entreprises de profiter d’une dévaluation pour gagner en compétitivité, elle peut même devenir un luxe dangereux, avec cette possibilité de la monnaie de se déliter indépendamment des erreurs de gouvernance.
Le problème actuel du Cameroun est la restauration de son biotope, condition impérative pour rendre une industrialisation envisageable. Mais pour cela, nous devons courageusement renoncer à l’idéologie mortifère de la Compétitivité qui développe en nous l’espérance déraisonnable de battre des ogres titanesques tels que la Chine, le Japon, l’Union Européenne ou les USA. Plus sagement, nous devrions opter pour la stratégie de l’Evitement, qui consiste à nous intégrer dans l’économie mondiale dans la mesure du possible, tout en créant un Système d’Echange Local qui permette l’expression des facteurs de production étouffés par la compétition extérieure. La solution est la mise en circulation d’une seconde monnaie totalement inconvertible évoluant simultanément avec le FCFA actuel.
L’avantage de cette solution appelée « monnaie binaire » et qu’elle est très peu coûteuse sur le plan économique, politique et diplomatique tout en étant très efficace. En outre, elle est parfaitement compatible avec le FCFA, y compris lorsqu’elle est limitée dans notre pays. La Monnaie binaire transforme les pénalités actuelles du FCFA en avantages.
Plutôt que de se lancer dans des initiatives aventureuses, il parait plus raisonnable d’entamer des négociations avec la BEAC pour voir dans quelle mesure elle pourrait abriter et encadrer techniquement un « Institut d‘émission de la Monnaie Locale du Cameroun ». Cette institution qui relèverait de l’Etat du Cameroun, fonctionnerait comme une sorte de Banque Centrale dont le champ de compétence est limité à la Monnaie Locale.
Dans le passé, la Zone Franc a montré de grandes capacités d’adaptation. Elle peut fonctionner avec une telle institution et c’est à travers de telles possibilités qu’elle pourrait évoluer pour l’intérêt de tous, abandonnant ainsi son image de verrou pour la croissance africaine.

Dieudonné ESSOMBA
Ingénieur Principal de la Statistique
Cadre au Ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire du Cameroun (MINEPAT)
Auteur du livre « Une Voie de Développement pour l’Afrique : la Monnaie Binaire »