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Le blog est un espace d'analyse des grands thèmes relatifs à l'actualité économique et sociale.
Catégorie :
Blog Economie
Date de création :
15.02.2008
Dernière mise à jour :
26.04.2015

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CROISSANCE EN AFRIQUE, STATISTIQUES ET BIEN-ETRE

CROISSANCE EN AFRIQUE, STATISTIQUES ET BIEN-ETRE

Publié le 16/02/2008 à 12:00 par analysis
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Par ESSOMBA Dieudonné, Ingénieur Principal de la Statistique
Chargé d’Etudes au Ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire du Cameroun - Yaoundé
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La croissance en Afrique fait malheureusement partie de ces thèmes affectifs dont le traitement objectif n’est pas aisé. L’espoir de surmonter la misère lancinante, après tant d’années de souffrance est si puissant que le moindre indice est volontiers interprété comme annonciateur des aubes nouvelles. Dans ces conditions, l’esprit est conditionné pour attendre l’imminent signal de l’envol et le moindre doute est généralement mal reçu.

Pourtant, il faut bien se rendre à l’évidence : malgré les hosannas sur le dynamisme économique retrouvé, très peu d’Africains considèrent que leur situation s’est améliorée.
On peut y voir, à l’instar du journaliste Christian de Brie (Le Monde Diplomatique Octobre 1997), une manipulation des institutions de Brettons-Woods visant à transformer l’échec de leurs thérapies en brillant succès, mais on peut simplement adopter la démarche positive et plus heuristique consistant à accepter la réalité de la croissance en réexaminant son contenu. Dans cette hypothèse, le sentiment de pauvreté s’expliquerait par une mauvaise répartition des fruits de la croissance où simplement, par une trop grande impatience devant une perspective tardant à se réaliser.
Comme pour tout phénomène économique, la véritable raison est plus subtile. En effet et même si on fait abstraction des problèmes de redistribution, la croissance du revenu a une signification en Afrique assez différente de celle des autres zones du monde. Partout ailleurs, la croissance dérive d’une efficacité accrue de capacités productives de tous les segments sociaux et se traduit par une augmentation homothétique des revenus des diverses classes socioprofessionnelles. Quand le revenu moyen double, les revenus respectifs d’un Ingénieur, d’un technicien ou d’un maçon y doublent également.
Les choses se passent autrement dans les pays africains. Le salaire d’un instituteur par exemple y dévoile un comportement atypique, caractérisé par une première période allant des indépendances jusqu’au milieu des années 80, où son évolution suit le PIB par habitant, en conformité avec la règle universelle. Mais à partir des mesures d’ajustement, ce salaire a amorcé une baisse systématique que n’arrivent pas à endiguer les compressions des effectifs, les réformes structurelles ou les initiatives PPTE.
On peut alors penser que la croissance est trop insuffisante pour stabiliser les revenus des instituteurs déjà en activité et permettre de répondre aux immenses besoins de recrutement de nouveaux. La tendance serait ainsi de les recruter pour les payer avec les gains de la croissance qui, parce qu’insuffisants, doivent être complétés par des ponctions sur le salaire des premiers. Tout se passe comme si on leur tenait ce discours : « nous devons renforcer les effectifs des enseignants, mais comme l’économie ne dégage pas suffisamment de ressources supplémentaire, nous allons amputer une partie de vos salaires. »
L’augmentation de la masse salariale se traduit ainsi par une dégradation du niveau de vie et des salaires de plus en plus faibles. Le standing attaché à la profession d’instituteur s’affaisse et les gens le ressentent avec d’autant plus d’intensité qu’ils sont séduits par les biens largement à la portée de leurs collègues des autres continents.
L’exemple des instituteurs s’étend dans tous les secteurs accessibles aux opérateurs nationaux. Faute d’alternatives, ces secteurs drainent préférentiellement les capitaux locaux et se retrouvent rapidement engorgés par une concurrence exagérée qui éparpille la maigre clientèle, plombe les rémunérations et transforme l’ensemble en un magma informel.

En définitive, le revenu moyen de l’Afrique Noire croît, mais puisqu’il augmente beaucoup moins vite que les niveaux de qualification, le niveau des ménages connaissent une grave érosion. Les taux de croissance ne peuvent donc y avoir de signification concrète que si le biais introduit par cette intense structuration socioprofessionnelle est éliminé. L’indicateur qui saisit mieux une telle évolution n’est pas la croissance du revenu moyen, mais « la croissance-CHUC » ou « croissance à capital humain constant ». Cet indicateur synthétise l’évolution du revenu de chaque classe socioprofessionnelle.
La situation atypique de l’Afrique se dévoile ainsi dans toute sa plénitude : alors que les deux indicateurs sont identiques partout ailleurs, ils se sont déconnectés dans nos pays depuis la crise et les résultats donnent froid dans le dos. Au Cameroun par exemple, le revenu moyen a augmenté d’environ 15% depuis dix ans, mais l’étude de chaque catégorie montre une croissance négative systématique de l’ordre de 10%. Un salaire initial de 100.000 FCFA n’a donc pas atteint 115.000, comme cela se serait passé ailleurs, mais a baissé à 90.000 FCFA !

La croissance-CHUC évalue le niveau de vie telle que perçue par la population et traduit le caractère pathologique de la croissance africaine, où il faut partager la misère pour laisser l’impression que cela marche, reproduisant ainsi, ironie de l’histoire, une forme déguisée de soviétisme en appui aux thérapies des bailleurs de fonds ultralibéraux !
Et de fait, l’origine de cette croissance anormale vient de ces interventions exogènes mal intégrées, qui ont tordu le système productif en lui imposant une croissance asymétrique.
Pour bien comprendre leur action, considérons une communauté incapable de construire de nouvelles salles pour supporter un nombre accru d’élèves. Elle recycle alors les maisons d’habitation en écoles et recrute de nouveaux professeurs. Naturellement, les statistiques mesureront une masse salariale plus élevée, mais, où loger ces nouveaux professeurs ? La conséquence immédiate est un surenchérissement du loyer et l’obligation de se partager un même appartement, illustrant la situation invraisemblable où un revenu ne peut augmenter qu’en contrepartie d’une dégradation permanente du niveau de vie.

Dans notre exemple, les cours dispensés aux élèves représentent le secteur social qui bénéficie de pudiques largesses de la communauté internationale, honteuse devant le terrible spectacle des enfants affamés et incultes, et les ONG dont l’activisme a réussi à faire croire qu’un continent entier pouvait fonctionner sur la base de puissants services sociaux sans l’infrastructure productive qui doit lui servir d’appui.
Les maisons d’habitation représentent les biens physiques que l’Afrique devient de moins en moins capable de produire, limitée par la faiblesse de son épargne, l’extrême directivité sectorielle des capitaux étrangers, l’insularité des grandes entreprises locales, l’impossibilité de protéger les industries naissantes et le musellement de l’Etat.
Les professeurs enfin représentent la main-d’œuvre, limitée en l’occurrence, à des métiers sociaux, les cadres techniques se retrouvant dans l’obligation de se recycler précipitamment dans les secteurs de service ou d’émigrer.

Un système économique fonctionne comme un organisme dont tous les éléments doivent évoluer en gardant une certaine proportion. A chaque stade de la technologie doit correspondre une certaine configuration des effectifs de médecins, de professeurs, de magistrats, d’Ingénieurs, de chimistes ou d’agronomes, tous en activité. En plus, une configuration idoine des densités des routes, des écoles, des hôpitaux, des usines et des plantations doit entretenir des rapports cybernétiques qui réalisent le meilleur équilibre des ressources, la meilleure évolution de l’ensemble et la meilleure distribution des revenus.
Le moindre blocage d’un secteur entraîne le verrouillage de l’ensemble et c’est à l’Etat que revient la mission de contrôler le système et de corriger les déséquilibres. Un secteur social fragilisé ne fournit plus à l’appareil productif la main-d’œuvre qualifiée et le puissant marché nécessaire pour l’entretenir. L’Etat doit intervenir en augmentant les impôts pour construire de nouvelles écoles et de nouveaux hôpitaux. Si le secteur productif ne fonctionne pas, le social qui utilise les biens physiques sera bloqué et, même s’il est financé de l’extérieur, il devient une immense chaîne de production des chômeurs. L’Etat doit intervenir pour élargir la marge de manœuvre de l’Economie, en finançant lui-même le secteur productif et en protégeant les secteurs stratégiques.
Le refus idéologique de cette réalité élémentaire par les partenaires de l’Afrique a imposé une croissance différentielle entre le secteur social et l’appareil productif, générant une économie boursouflée et rongée par un sous-emploi massif. Incapable d’élargir sa base productive, la population se coagule sur les quelques biens importés dont la part par tête s’anémie avec le temps, entraînant un effondrement général du niveau de vie.
On voit donc pourquoi, malgré la croissance de Brettons Woods, le sentiment de la misère est aussi intense. Il ne s’agit pas d’une impression, mais d’une terrible réalité, habilement masquée par un usage sélectif des statistiques, mais surtout par la nouvelle et agressive idéologie du charabia qui a noyé la pensée dans de pompeux concepts, complètement déconnectés de la réalité africaine et de ce fait, stériles et particulièrement pernicieux : compétitivité, efficience, avantages comparatifs, approche participative, complémentarité, Etat régulateur, etc.
Dans les années 70, n’importe quel jeune cadre pouvait s’acheter à l’état neuf un véhicule, un congélateur, un costume, une villa. Aujourd’hui et sitôt exclus les voleurs à col blanc, aucun ne peut l’envisager même dans ses rêves les plus fous.
On frémit à l’idée du visage que présenterait actuellement l’Afrique si, fortuitement ( ?), la société de consommation occidentale n’avait senti la nécessité d’y déverser ses produits usagés. Le continent est ainsi devenu un immense dépotoir de la brocante, où véhicules antédiluviens côtoient tout un préhistorique bric à broc électroménager, pendant que paysans et vendeurs à la sauvette se disputent de vieux costumes émoussés aux ministres, membres de la Cour Suprême, Députés et colonels d’armée.
Ultime dérivatif à la misère, mais aussi ultime coup de massue sur l’industrie locale…
Comment s’étonner alors que la croissance en Afrique version FMI-Banque Mondiale crée la difficile confrontation entre une population soupçonneuse, convaincue que les fruits de la croissance sont volés et ses dirigeants hagards, incapables de comprendre ce qui se passe, mais culpabilisés par leur ignorance et leurs turpitudes passées ?