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Le blog est un espace d'analyse des grands thèmes relatifs à l'actualité économique et sociale.
Catégorie :
Blog Economie
Date de création :
15.02.2008
Dernière mise à jour :
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PROGRAMMES DE DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE NOIRE : REALITES ET ILLUSIONS

PROGRAMMES DE DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE NOIRE : REALITES ET ILLUSIONS

Publié le 16/02/2008 à 12:00 par analysis


Par ESSOMBA Dieudonné, Ingénieur Principal de la Statistique
Chargé d’Etudes au Ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire du Cameroun – Yaoundé



Les programmes actuellement initiés en Afrique pour renouer avec la croissance ressuscitent les vieux schémas du temps des indépendances. Ils tournent, pour l’essentiel, sur le développement de l’agriculture, les grands chantiers, la diversification des exportations et l’industrialisation. Bien entendu, les mots ont changé et la pensée s’est entourée d’une large auréole de mots mystérieux et fétiches : bonne gouvernance, société civile, secteur privé compétitif, Etat régulateur, efficience, industries industrialisantes,…
La démarche n’en reste pas moins identique.


La problématique actuelle du développement en Afrique se pose cependant dans des termes qualitativement différents que dans les années 60 où les pays disposaient encore d’une large marge de manœuvre.
Prenons d’abord l’agriculture qui cristallise tant d’espoir. Pour une économie de niveau agraire, la faible production agricole apparaît dans un premier temps comme l’expression d’un verrou qui empêche l’extension des exploitations. Cette situation peut provenir d’un mode de propriété trop inégale des terres, notamment lorsqu’une poignée d’individus confisque l’essentiel des espaces cultivables, auquel cas la solution simple est la redistribution.

D’autres types de verrous sont liés à des techniques trop archaïques, à des conditions environnementales défavorables telles que les sécheresses ou l’infertilité du sol et de trop fortes densités démographiques. Dans tous ces cas et autant que cela soit possible, un redéploiement des populations et de modestes modifications techniques permettent de surmonter le problème et de supprimer la famine : chaque famille vit alors de son champ, écoulant éventuellement le surplus dans les centres urbains.
La situation de l’Afrique Noire correspond grosso modo à cette dernière situation. L’agriculture y présente un caractère dual, associant la production vivrière aux produits de rente, les deux secteurs utilisant les mêmes techniques. L’essentiel de la population rurale est occupée à ces exploitations artisanales de productivité médiocre, quelques agroindustries formant de petites enclaves de technologie moderne.

Dans ces conditions, les possibilités évidentes d’améliorer la productivité et d’étendre les surfaces cultivables suscitent beaucoup d’incompréhensions. Dans un univers où les villes ne sont pas suffisamment ravitaillées en vivres bon marché et où la population rurale crève de misère, l’existence de tels espaces sans la moindre réaction de l’Etat apparaît comme un scandale. Une fois de plus, les hommes au pouvoir, si corrompus et si incompétents seront indexés pour leurs mauvais choix stratégiques.
Il faut cependant se méfier des apparences. La modernisation de l’agriculture n’est pas dissociable des machines, des engrais, des produits phytosanitaires et des semences sélectionnées. Or, du fait que ces produits relèvent des secteurs à très fortes économies d’échelle ou de technologie très élevée, ils sont fabriqués par des pays dominants et doivent être importés.
Mais il faut payer ces importations et donc, s’assurer que la production qui en découle est capable de le faire. Or si on fait abstraction de la pression liée aux biocarburants, encore trop récente pour les incorporer dans une analyse robuste ou, du moins, expliquer la situation des années passées, l’observation du monde actuel ne montre pas un très grand dynamisme des produits agricoles. La situation des produits majeurs tels que le sucre, le cacao, le café, l’arachide, le thé, le tabac ou la banane n’est pas très engageante et des millions de cultivateurs ont abandonné faute de rémunération idoine.
Le problème prend une toute autre dimension lorsqu’il s’agit des produits vivriers. Le marché local existe et il peut même être important, mais la forte demande intérieure n’entraîne pas l’amélioration de la balance commerciale. Le mil a beau être demandé à Dakar, cette demande massive ne permet pas de payer les engrais qui ressortent d’un autre réseau commercial et doivent être payés avec les exportations.

Mais ce n’est pas tout, car la pression sur la balance commerciale s’aggrave d’un phénomène induit tout autant redoutable. En effet, qui parle d’amélioration de productivité parle d’élévation du niveau de vie du paysan. Un paysan riche a des goûts aussi variés que les autres citoyens et les mêmes prétentions à la détention d’un téléviseur, d’une belle villa, d’un téléphone cellulaire et, pourquoi pas, d’une voiture. Toute amélioration de sa condition se traduira aussitôt par une demande conséquente des biens importés, exerçant une pression sur la balance commerciale d’autant plus formidable qu’elle est démultipliée par leur nombre.

Illustrons notre analyse par un exemple concret. Le Cameroun dont la balance commerciale est supposée équilibrée dispose d’immenses espaces libres sur lesquels il veut développer une agriculture moderne. Il décide donc d’importer les intrants pour 10 Milliards chaque année, ce qui génère un revenu potentiel de 30 Milliards pour les nouveaux paysans.
La première condition est qu’une partie de cette production trouve un marché solvable à l’extérieur pour 10 Milliards. Mais quel produit va réaliser cette prouesse ? Le cacao, le café ou le coton n’attirent plus grand-monde, le marché étant saturé par les subventions américaines et la production mécanisée d’Asie du Sud-est. La banane plantain est vivement concurrencée par les puissantes multinationales installées en Amérique Latine et du reste, les avantages dont elle bénéficiait en UE ont disparu avec l’OMC. L’agriculture interstitielle telle que les fleurs et autres produits exotiques n’a d’intérêt que si elle est limitée à un ou deux petits pays, toute autre extension dégradant le marché. Les possibilités ne sont pas vraiment nombreuses…
Les gains de compétitivité peuvent, certes, compenser cette dégradation, mais uniquement dans certaines limites. Si leur pouvoir était aussi puissant, les pays dominants qui en ont les moyens les auraient déjà étendus indéfiniment et il n’y aurait même plus d’agriculture africaine du tout.
Supposons cependant que le Cameroun arrive à trouver ce marché. Sa balance commerciale, encore équilibrée, rencontre immédiatement une autre pression : les paysans qui ont exporté pour 10 Milliards en contrepartie de l’engrais et vendu localement pour 20 Milliards sont devenus plus riches et veulent désormais les téléviseurs que le Cameroun ne fabrique pas. Ils en importeront donc pour 5 Milliards, mettant le marché extérieur en demeure d’absorber, non seulement les 10 Milliards initiaux des engrais, mais aussi ces 5 Milliards supplémentaires, soit 15 Milliards. Ce qui devient autrement plus difficile…

La conséquence automatique de cette situation est l’absence des exploitations agricoles moyennes en Afrique. Contrairement aux petites plantations paysannes dont la pérennité est assurée par les besoins de survie et dont l’outil de production est totalement autochtone, les exploitations moyennes dépendent fortement des intrants importés et souffrent en permanence du surenchérissement permanent des intrants qu’entraîne la forte pression sur la balance commerciale, rendant leur survie impossible.
Quant aux grandes entreprises, elles se présentent davantage comme des enclaves technologiques des multinationales dont la répartition traduit les avantages absolus à l’échelle planétaire.
La production agricole africaine se présente ainsi sous une forme en U, avec une poudre de petites plantations du côté gauche, une poignée d’énormes exploitations du côté droit et un immense vide au milieu. Tout le contraire de la situation normale où la courbe rappelle une cloche dont les exploitations moyennes occupent le sommet.

Comme on le voit, la modernisation de l’agriculture porte en elle-même les freins de son propre mouvement. Toute opération y exige l’importation de grandes quantités d’intrants que les cours mondiaux permettent difficilement de couvrir. De plus, l’amélioration du niveau de vie des paysans entraîne une diversification de la demande à laquelle ne peut répondre l’offre locale, contrainte par le système productif trop faible et qui aggrave le déficit extérieur.
Les deux effets conjugués enlèvent tout intérêt à l’agriculture comme voie crédible pour sortir du sous-développement. L’intérêt d’une politique agricole en Afrique se limite alors, d’une part à la suppression des verrous qui empêchent le développement de l’autoconsommation, et uniquement dans la mesure où l’augmentation générée n’est pas suffisamment importante pour générer un flux commercial capable d’enrichir la paysannerie.
D’autre part à développer l’agriculture de rente dans les phases initiales où les marchés ne sont pas encore saturés comme dans les années 60.
De telles circonstances n’existent plus aujourd’hui.

Cette analyse s’étend facilement aux fameux grands travaux structurants et autres avatars tels que les industries industrialisantes, pôles de développement, etc. Lorsqu’elles visent à répondre à une offre locale, de telles initiatives incorporent de grosses importations d’équipement qui doivent être compensées, ce qui n’est possible que pour les pays disposant d’importantes ressources stratégiques comme le pétrole.
Par contre, si leur production est tournée vers l’extérieur, elles rencontrent une violente concurrence qui les ratatinent et les détruit.
La seule marge de manœuvre dont disposent actuellement les pays africains reste alors l’exploitation des ressources primaires dont la compétitivité est déterminée en priorité par les aléas de la géologie et de manière marginale par les hiérarchies techniques. La croissance africaine reste ainsi tributaire de ses disponibilités dans ces ressources et les programmes actuellement conçus sont fatalement voués à l’échec.


Il faut cependant sortir de ce piège mortel. La solution radicale reste l’isolement physique ou virtuel du pays, le meilleur système étant la monnaie binaire déjà abordée dans mes précédents articles.
L’autre piste de solution consiste à s’appuyer sur la notion d’« ères technologiques ». Un tracteur avec sa charrue, une voiture de tourisme, un char de guerre avec son canon, une excavatrice avec sa pelle sont affectés à des besoins différents. Néanmoins, tous ces engins gardent un air de famille que leur donnent quelques éléments communs : les roues qui permettent leur déplacement, un moteur qui fonctionne à l’essence, un volant pour les conduire, un châssis, des sièges, des phares, etc.
A la limite, on peut les assimiler aux variantes d’un seul engin qu’on adapte, par adjonction d’un accessoire, à un besoin déterminé. Ou, plus concrètement, ils apparaissent comme une classe de produits issus d’assemblages spécifiques des mêmes éléments sur lesquels on greffe des accessoires pour les adapter à de besoins différents.
De même, lorsqu’on examine un poste TV, un ordinateur, un oscilloscope, un poste radio, une chaîne HIFI ou un satellite de télécommunication, on retrouve globalement des éléments identiques comme le transistor, les tubes à vide, les plaques, les processeurs, les fils, etc.

Ces divers éléments dont l’agencement produit un large faisceau de produits sont appelés "principes technologiques matriciels" ou "maternats". D’une manière générale, un maternat désigne une composante technique de base dont la combinaison avec d’autres donne naissance à un gigantesque faisceau de biens. L’ensemble des biens d’une époque se présente ainsi comme des combinaisons judicieuses de quelques maternats et l’évolution technologique se définit comme des agencements de plus en plus efficaces d’anciens et de nouveaux maternats.
La notion de maternat invalide l’idée même de spécialisation. De toute évidence, la maîtrise de la technologie des moteurs, des roues et des carrosseries permet de produire simultanément les voitures, les camions, les trains, les chars, les tracteurs, les moulins, les bateaux, les machines-outils, etc.
De même, la maîtrise du transistor et du tube à vide entraîne la capacité de fabriquer simultanément le téléviseur, le poste radio, le téléphone ou le micro-ordinateur.
Du fait donc que tous ces produits ne sont que les combinaisons différentes des mêmes maternats, on ne peut demander à un pays de se spécialiser dans les camions et un autre dans les voitures, à celui-ci de se spécialiser en téléviseur et à l’autre en micro-ordinateur, car il ne s’agit que des variantes d’un même produit. Un pays est donc condamné à tout fabriquer ou à ne rien fabriquer et la spécialisation n’a aucun sens.
La première démarche consiste donc à abandonner la fiction du développement par secteur qui alimente la nuisible et fallacieuse mythologie des avantages comparatifs.

Dans le cadre de l’agriculture, l’essentiel des activités relève de trois ères : la force manuelle, la force animale et la force motrice et pour labourer, on peut soit utiliser la houe, soit la charrue qui relève de l’ère du cheval, soit le tracteur qui relève de l’ère du moteur.
Le développement d’un pays dépendant passe alors par un choix raisonné d’une ère qui tienne compte de toute la chaîne des effets. Si, plutôt que de s’enfermer dans le cul-de-sac agricole, le Cameroun décide de développer un mode de production basée sur le cheval, il développe simultanément l’agriculture, le transport, la minoterie et la confection des étoffes. Son choix permet d’améliorer les rendements agricoles, d’installer un outil de production moins dépendant de l’extérieur et d’offrir une plus grande gamme de produits qui amortit la pression induite par l’amélioration du niveau de vie paysan sur la balance commerciale.
Il ne s’agit pas ici de s’enfermer dans l’autarcie où le pays produirait et consommerait sa production. Les étoffes fabriquées par des métiers à tisser utilisant l’énergie animale peuvent parfaitement être écoulées à l’extérieur, mais dans le cadre du commerce de variété où les habits s’échangent avec les habits, et non dans l’échange verticale où le coton s’échangent avec les habits qui en sont issus. Le pays peut d’ailleurs se spécialiser dans un segment exotique de l’habillement tel que les amples robes appelées « Kabagondo » si prisées de par le monde, ou bien dans la production de l’agriculture bio…

Si maintenant, le Cameroun décide de choisir le moteur, il doit tout mettre en œuvre pour rendre cette industrie « homopare », c’est-à-dire, capable de produire physiquement une industrie exactement identique (un clone) sans apport technologique extérieur. Le début du développement réel apparaît lorsque le pays arrive à construire un réseau d’usines capables de produire les moteurs pour le reste de l’économie et pour elles-mêmes.
L’ensemble des secteurs touchés par la technologie du moteur connaît alors une modification structurale concomitante qui entraîne un développement rapide.

Malheureusement, une telle politique est difficilement applicable sans un minimum de protection…